Commentaire de "de l'esclavage des nègres" de montesquieu
Dans ce texte tiré du chapitre 15 de l’Esprit des lois, Montesquieu dénonce l’esclavage sous la forme d’un plaidoyer ironique, en faisant semblant de défendre la position des esclavagistes, par des arguments volontairement disqualifiés : l’intérêt de ce texte repose donc sur l’ambiguïté de son énonciation et de sa forme, qui donne des indices sur la pensée réelle de Montesquieu, et sur les divers procédés visant à disqualifier les adversaires, en les présentant comme illogiques et odieux.
I Une double lecture :
1 Une 1e phrase ambiguë :
On peut considérer l’hypothèse au conditionnel (« si j’avais (…) voici ce que je dirais ») soit comme un potentiel (Montesquieu vraiment défenseur de la légitimité de l’esclavage) soit comme un irréel du présent (thèse accentuée par le mot « soutenir », qui peut supposer une nuance de mensonge, et « si j’avais », qui suppose une obligation, et non une volonté.) Nous pouvons donc avoir affaire, soit à un plaidoyer pour l’esclavage, soit un réquisitoire contre lui.
2 Une énonciation ambiguë :
L’observation des marques personnelles conduit à une hésitation similaire sur la position de Montesquieu :
S’implique-t-il dans le camp des esclavagistes, comme peut le faire supposer l’emploi du « nous » (« nous avons eu, ils ont avec nous, nous supposions ») et du « on » (si l’on ne faisait travailler, on ne peut se mettre dans l’esprit, on peut juger ») : le « je » (« je dirais ») fait alors partie des Européens esclavagistes, planteurs inquiets du prix du sucre et du coût de revient de la main-d’œuvre, chrétiens superstitieux déniant aux esclaves noirs une âme bonne, civilisés se croyant supérieurs aux peuples africains.
Mais des indices semblent contredire cette supposition : Montesquieu, au lieu de dire « nos peuples d’Europe » ou « nos nations policées » emploie l’article défini « les », qui lui permet de se mettre à distance.
Ainsi on observe, à la fin du texte, un changement dans