Commentaire Lettre Persannes 161
1906 mots
8 pages
S'abritant derrière le regard faussement naïf de deux Persans découvrant les mœurs occidentales et usant de la liberté que confère à l'écrivain la forme épistolaire (se livrer à des digressions et à des raisonnements sans heurter la vraisemblance), Montesquieu parvient, dans les Lettres persanes à concilier l'expression indirecte d'une réflexion politique et sociologique à une « espèce de roman » de mœurs, d'amour et de passion subtilement liés l'un à l'autre par une « chaîne secrète ». C'est ainsi que le lecteur est tantôt convié à apprécier la verve satirique de l'auteur à travers les « lettres occidentales » et à goûter au piment érotique de l'intrigue du sérail dans les « lettres orientales ». Le roman débute donc par une quête « laborieuse » de la sagesse pour s'achever sur l'irruption du chaos dont la lettre CLXI constitue le point d'orgue. Roxane, favorite du sultan Usbek, est surprise dans les bras d'un jeune homme et prévient toute sanction en s'empoisonnant. Cette ultime lettre, construite en sept paragraphes et procédant par vague de paroles, donne l'apparence d'un texte fragmenté, morcelé comme autant de flèches adressées au destinataire, et dans laquelle Roxane règle ses comptes sous la forme d'une revanche qui apparaît dès lors comme une punition de l'aveuglement d'Usbek dont les principes libéraux avortent dès qu'ils sont confrontés à ses problèmes conjugaux : le philosophe éclairé par la raison se mue alors en despote sanguinaire aveuglé par la passion. Mouvements du texte Le mouvement de cette lettre obéit à une tension où l'héroïne est à la fois dans la douleur de la mort récente de son amant et de sa propre mort imminente et dans le plaisir d'une jouissance tragique : c'est en mourant qu'elle existe enfin. Dans les deux premiers paragraphes, Roxane ne se contente pas d'avouer mais revendique avec défi ses actes que sont l'adultère et le meurtre. Dans un second élan (du troisième au