Commentaire sur le misanthrope, acte iii, scène 4, vv. 961-1000, de molière
À quoi qu’en reprenant on soit assujettie, Je ne m’attendais pas à cette repartie, Madame, et je vois bien, par ce qu’elle a d’aigreur, Que mon sincère avis vous a blessée au cœur.
CÉLIMÈNE
Au contraire, Madame ; et si l’on était sage, Ces avis mutuels seraient mis en usage : On détruirait par là, traitant de bonne foi1, Ce grand aveuglement où chacun est pour soi. Il ne tiendra qu’à vous qu’avec le même zèle Nous ne continuions cet office fidèle [sens : vérité qu’on dit aux amis], Et ne prenions grand soin de nous dire, entre nous, Ce que nous entendrons, vous de moi, moi de vous.
ARSINOÉ
Ah ! Madame, de vous je ne puis rien entendre : C’est en moi que l’on peut trouver fort à reprendre.
CÉLIMÈNE
Madame, on peut, je crois, louer et blâmer tout, Et chacun a raison suivant l’âge ou le goût. Il est une saison pour la galanterie ; Il en est une aussi propre à la pruderie. On peut, par politique, en prendre le parti, Quand de nos jeunes ans l’éclat est amorti : Cela sert à couvrir de fâcheuses disgrâces2. Je ne dis pas qu’un jour je ne suive vos traces : L’âge amènera tout, et ce n’est pas le temps, Madame, comme on sait, d’être prude à vingt ans.
ARSINOÉ
Certes, vous vous targuez d’un bien faible avantage, Et vous faites sonner terriblement votre âge. Ce que de plus que vous on en pourrait avoir N’est pas un si grand cas pour s’en tant prévaloir; Et je ne sais pourquoi votre âme ainsi s’emporte, Madame, à me pousser3 de cette étrange sorte.
CÉLIMÈNE
Et moi, je ne sais pas, Madame, aussi pourquoi On vous voit, en tous lieux, vous déchaîner sur moi. Faut-il de vos chagrins, sans cesse, à moi vous prendre ? Et puis-je mais4 des soins qu’on ne va pas vous rendre ? Si ma personne aux gens inspire de l’amour, Et si l’on continue à m’offrir