Commentaire l'insociable sociabilité de l'homme
La vie en société ne se limite pas à l’action personnelle. Il faut aussi comprendre les actions collectives…mais le comportement de l’homme ne se ramène pas aisément à des lois générales. L’homme n’est ni bête ni ange : il ne se comporte ni d’après des principes rationnels clairs ni d’après le pur instinct. Ainsi la tâche du philosophe ou de l’historien ou sociologue est-elle presque impossible : comment comprendre quoi que ce soit à ce jeu d’intérêts, de passions, d’instincts, de calculs…et parfois d’idéal ? S’il faut un devenir continu et intelligible pour penser l’histoire, ce n’est pas en considérant la somme des actions individuelles qu’on y parviendra : il n’y a là qu’un « cours absurde » !
Le seul espoir de saisir un certain ordre dans le désordre des choses humaines est de supposer que les actions individuelles servent indirectement et involontairement un but collectif qui les dépasse. Il faut donc faire « comme si » la « nature », conçue comme une providence cachée, se chargeait de faire concourir au bien de toutes les actions égoïstes de chacun.
Cette grille de lecture s’avère pertinente. En effet, l’homme en société a un comportement paradoxal : il sait qu’il a intérêt à vivre avec les autres, parce que la vie sociale décuple ses forces (« il se sent plus qu’homme »), mais, par ailleurs, il est mû par un instinct de domination : jugeant les autres d’après lui-même, il s’attend donc aux réactions hostiles des autres, comme lui-même est hostile à la domination des autres. Chacun voit donc en l’autre une aide nécessaire et un concurrent dangereux. Le mouvement naturel est donc de craindre son emprise et de chercher à s’en défendre. Or ce sont précisément les efforts que chacun accomplit pour se protéger des autres qui le conduisent à développer ses potentialités : il lutte ainsi contre sa paresse, contre son inertie spontanée ; il développe des talents d’ingéniosité. Les passions, l’ambition, le désir de