Condorcet - réflexions sur l'esclavage des nègres
Votre suffrage ne procure point de places dans les Colonies, votre protection ne fait point obtenir de pensions, vous n’avez pas de quoi soudoyer les avocats ; il n’est donc pas étonnant que vos maîtres trouvent plus de gens qui se déshonorent en défendant leur cause, que vous n’en avez trouvés qui se soient honorés en défendant la vôtre. Il y a même des pays où ceux qui voudraient écrire en votre faveur n’en auraient point la liberté.
Tous ceux qui se sont enrichis dans les Iles aux dépens de vos travaux et de vos souffrances, ont, à leur retour, le droit de vous insulter dans des libelles calomnieux ; mais il n’est point permis de leur répondre.
Telle est l’idée que vos maîtres ont de la bonté de leur droit ; telle est la conscience qu’ils ont de leur humanité à votre égard. Mais cette injustice n’a été pour moi qu’une raison de plus pour prendre, dans un pays libre, la défense de la liberté des hommes.
Je sais que vous ne connaîtrez jamais cet Ouvrage, et que la douceur d’être béni par vous me sera toujours refusée. Mais j’aurai Condorcet 6 Réflexions sur l’esclavage des Nègres satisfait mon cœur déchiré par le spectacle de vos maux, soulevé par l’insolence absurde des sophismes de vos tyrans. Je n’emploierai point l’éloquence, mais la raison, je parlerai, non des intérêts du commerce, mais des lois de la justice.
Vos tyrans me