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La Marquise de Sévigné, née Marie de Rabutin-Chantal (1629-1696), était issue d’une ancienne famille très cultivée de la noblesse de Bourgogne. Devenue orpheline très tôt, puis veuve (son mari fut tué en duel), elle se consacra à ses enfants, proche surtout de sa fille à qui elle voua une affection immense. Femme d’esprit et femme du monde, elle fréquenta beaucoup la cour de Louis xiv et fut l’amie intime de grands personnages politiques (Turenne, Fouquet) ou d’artistes de l’époque (Corneille, La Fontaine). Ses talents d’épistolière la rendirent célèbre malgré elle, et les nombreuses lettres qu’elle écrivit constituent une véritable œuvre littéraire, précieuse chronique des événements et des mœurs de son siècle.
Madame de Sévigné est séparée de sa fille, lorsque celle-ci se marie et part vivre à Grignan. Elle la voit peu, mais lui écrit des lettres très fréquentes et émouvantes durant de nombreuses années. Elle rédige celle-ci à la suite d’un voyage fait à Grignan.
À MADAME DE GRIGNAN
À Montélimar, jeudi 5 octobre 1673
Voici un terrible jour, ma chère fille ; je vous avoue que je n’en puis plus. Je vous ai quittée dans un état qui augmente ma douleur. Je songe à tous les pas que vous faites et à tous ceux que je fais, et combien il s’en faut qu’en marchant toujours de cette sorte, nous puissions jamais nous rencontrer. Mon cœur est en repos quand il est auprès de vous : c’est son état naturel, et le seul qui peut lui plaire. Ce qui s’est passé ce matin me donne une douleur sensible, et me fait un déchirement dont votre philosophie sait les raisons : je les ai senties et les sentirai longtemps. J’ai le cœur et l’imagination tout remplis de vous ; je n’y puis penser sans pleurer, et j’y pense toujours : de sorte que l’état où je suis n’est pas une chose soutenable ; comme il est extrême, j’espère qu’il ne durera pas dans cette violence. Je vous cherche toujours, et je trouve que tout me manque, parce que