Corinne, figure prophétique du renouveau de l'art
Corinne, figure prophétique du renouveau de l'art
Corinne a été écrit en 1805. Le roman est alors encore un genre nouveau. Il se propage aux côtés de la lecture et de l'alphabétisation, notamment des femmes, pendant le siècle des Lumières. Ce genre ne cesse de se métamorphoser, d'explorer le sujet. La marche triomphante de Corinne est un passage qui possède une dimension visionnaire qui échappe en partie aux Lumières. Et c'est pourquoi ce texte est à nos yeux intéressant. Il ne donne plus à voir la ratio, ou le dialogisme philosophique, mais une exaltation poétique et antique de la muse et de la femme propre au romantisme. Avec Corinne, Madame de Staël n'ouvre pas seulement le roman à la modernité et à la poésie, elle n'annonce pas seulement la vision d'un monde poétique mais une poétique du monde.
I. Corine allait à travers Rome vers le palais du capitole. Oswald attend la venue de cette figure de l'artiste triomphante que Madame de Staël exalte comme la figure réunissant tous les talents de l'esprit et de la beauté. Le début du passage donne à entendre les voix de ceux qui, formant la foule en liesse du peuple italien, rapportent les multiples éloges évoquées à son propos. Cette masse d'individus désignée par „l'un“ ou „l'autre“ accompagne tout le long du passage la marche de Corine, et fonctionne sur un mode impersonnel et collectif qui rappelle le fonctionnement du choeur antique dans la tragédie grecque. Le choeur est morcelé par des voix qui, s'individualisant, sont juxtaposées et s'additionnent pour former un corps rassemblé autour de l'artiste et de la femme. Ce corps symbolise le corps de la cité, le peuple italien. Le morcellement des voix du choeur est rythmé par la variation d'un verbe à l'imparfait qui sert à l'énumération des différents talents artistiques du personnage. Chacun de ses talents caractérisent un