Croire, est-ce savoir ?
« Je te crois », dit-on à quelqu'un dont on pense que les propos sont vrais ou dont les arguments nous ont convaincu. On peut aussi croire qu'il faut tourner à droite au carrefour lorsqu'on n'a plus une connaissance exacte du chemin, on peut enfin croire en l'existence de Dieu ou en l'immortalité de l'âme. Même si c'est à chaque fois à des degrés divers, la croyance fait donc toujours intervenir les éléments de la conviction et de la confiance : croire, c'est tenir pour vrai, de façon plus ou moins certaine. Ainsi, celui qui hésite entre deux chemins et croit qu'il faut prendre telle direction n'est pas complètement sûr de lui, mais se fie assez à son souvenir pour se décider ; celui qui croit la parole d'autrui a choisi de lui accorder sa confiance ; celui qui croit en Dieu s'en remet à lui.
Mais alors, croire, est-ce savoir ? Quand bien même serais-je absolument certain et entièrement convaincu d'avoir raison de croire, cette certitude-là est-elle du même ordre que celle de la connaissance assurée d'elle-même, qui a fait l'épreuve de sa vérité ? En d'autres termes, la certitude subjective de la conviction personnelle équivaut-elle à la certitude objectivement fondée du savoir ? Suffit-il d'être convaincu que quelque chose est vrai pour qu'il en soit effectivement ainsi ? Si par exemple, du point de vue religieux, le croyant est absolument persuadé qu'il existe un Dieu, cela suffit-il à prouver l'existence de ce dernier, bref, à en faire un objet de science au sens propre ?
I. La croyance objectivement insuffisante
1. Persuasion, savoir, opinion
Croire, avons-nous dit, c'est tenir pour vrai, ajouter foi à. Or, comme l'a montré Kant, l'acte de tenir pour vrai est lui-même susceptible d'être divisé : je peux tenir un jugement pour vrai parce que j'en suis persuadé ou parce que j'en suis convaincu, et ce n'est pas du tout la même chose ; la différence se fait du point de vue de la suffisance subjective et objective qui accompagne le jugement. La