INTRO
Dans le Préface de son œuvre Les Égarements du Cœur et de l'esprit, ou Mémoires de Mr de Meilcour, Crébillon fils écrit que « le Roman […] serait peut-être celui de tous les genres qu'on pourrait rendre le plus utile, s'il était bien manié, si, au lieu de le remplir de situations ténébreuses et forcées, de héros dont les caractères et les aventures sont toujours hors du vraisemblable, on le rendait, comme la comédie, le tableau de la vie humaine […]. On ne pécherait plus contre les convenances et la raison. Le sentiment ne serait point outré ; l'homme enfin verrait l'homme tel qu'il est ; on l'éblouirait moins, mais on l'instruirait davantage. »
Dans ces phrases, il tente de donner un cadre au roman. Pour cela, il note plusieurs critères, le premier étant de lier le roman à la comédie, c'est-à-dire au théâtre. Or l'objet du roman est de raconter une histoire, une suite d'évènements enchainés de manière chronologique, sous forme d'une énonciation. Autrement dit, il ne cherche ni à suggérer, ni à représenter comme le feraient la poésie ou le théâtre. On ne peut donc assimiler le genre romanesque au genre théâtral. Le deuxième critère que donne Crébillon concerne la visée du roman. Il lui donne une dimension différente de celle que ce genre pouvait avoir auparavant : il ne s'agit plus pour lui d'écrire de « petites histoires » distrayantes mais d'éduquer le lecteur à travers ses récits. Dans ce but, il explique qu'il ne faut pas, d'une part, embrouiller le lecteur avec des « situations ténébreuses et forcées », et donc complexifier l'histoire du roman de manière visiblement artificielle, et, d'autre part, respecter une certaine vraisemblance à la fois dans le choix et l'étude des personnages, mais également de leurs « aventures ». Crébillon fils dit que le roman doit être utile, et que pour cela, il doit instruire le lecteur. Pour éduquer, cela nécessite de montrer le réel de manière vraisemblable et doit donc éliminer tous les artifices, le superflu qui ne