Dans quelle mesure le roman doit-il être le reflet de son époque ?
Les origines du roman remontent à l'Antiquité, et ce genre se développe au Moyen Age avec la chanson de geste principalement, puis adopte en quelque sorte sa forme définitive au XIIIème siècle (le roman en prose) avant la naissance du roman moderne généralement attribuée à Rabelais, au XVIème siècle. Ainsi le roman a traversé les époques jusqu'à aujourd'hui, pour en devenir le genre littéraire dominant. Émile Zola, dans son essai Le Roman Expérimental, a noté au sujet de certains romanciers qu' « Ils sont grands parce qu'ils ont peint leur époque... », mais le roman doit-il toujours être un miroir de la réalité de son temps ? Je m'attacherai dans un premier temps à mettre en évidence les principaux aspects qui font d'un roman le reflet de son époque, avant de m'intéresser au mouvement inverse qui incite des romanciers à refuser toute identification à leur époque. Dans une dernière partie, je tenterai de montrer comment cette opposition peut être dépassée au moyen d'une reformulation des données du problème qui fait apparaître une tension entre la temporalité source du roman et l'intemporalité visée par les auteurs des romans que nous lisons encore aujourd'hui.
Tout d'abord, l'origine du mot indique par elle-même que le roman parle, par définition, une langue qui s'ancre dans son époque : en effet le « roman », par opposition au latin, est la langue vulgaire parlée en France par le peuple dès le VIIIème siècle. De ce fait la syntaxe, les expressions utilisées, le vocabulaire et même la ponctuation évoluent suivant les époques ; le roman se transforme et s'adapte à l'évolution des sociétés, mais pas uniquement d'un point de vue linguistique : les thèmes abordés sont la plupart du temps en rapport direct avec les problèmes de leur temps. La Princesse de Clèves, écrit au XVIIème siècle par Madame de la Fayette, traite des cruels dilemmes de l'amour et de la passion, et enfin de leur perte ; ayant vécu à la Cour, elle s'inspira de faits divers