Dans quelle mesure peut-on considérer le metteur en scène comme le véritable créateur de la pièce représentée, écrite par un autre que lui?
Aujourd'hui, on dit que l'on va voir une pièce d'un metteur en scène, et non pas d'un auteur/ Le théâtre repose pourtant sur la parole aussi bien que sur le geste, les décors, l’intonation ou la bande son. Si la représentation théâtrale repose sur le rôle du metteur en scène, ce dernier ne peut travailler sans la base qu'est le texte en lui-même.
Le rôle du metteur en scène est très important. Si le texte ne présente pas d'indications scéniques, son travail est énorme. Comme le dit Anne Ubersfeld, il doit combler les « trous » que présente le texte, qui est « incomplet ». Dans Amphitryon de Jean Giraudoux, il n'y a aucune indication : les personnages sont-ils jeunes ? Ont-ils le même âge ? Sont-ils proches ou éloignés ? Comment arrivent-ils sur scène ? Ce sont autant de questions auxquelles doit répondre le metteur en scène, qui va donc devoir faire des choix. Ces choix seront nombreux dans le théâtre du XVIIe siècle où les seules indications éventuelles sont là pour exprimer l'entrée ou la sortie d'un personnage (par exemple, dans toutes les œuvres de Racine réunies, il n'y a qu'une seule didascalie). Ce caractère incomplet du théâtre est nécessaire pour Anne Ubersfeld : selon elle, le théâtre doit pouvoir être joué par tout le monde et n'importe où. Dans le cas où un metteur en scène adapte un roman pour le représenter, le travail est énorme : avec la disparition du narrateur, il faut adapter la pièce pour qu'elle garde son sens, donc ajouter des paroles aux personnages, par exemple. Parfois le texte comporte des indications scéniques ; cependant même les indications les plus précises et les plus nombreuses, même les textes les plus complets restent incomplets : l'auteur ne peut pas tout prévoir, en particulier si la pièce est jouée longtemps après avoir été écrite. En effet, il faut tenir compte des