Dans tout amour n'aime-t-on jamais que soi-même ?
Introduction.
« Il ne m'aime pas, il veut juste coucher avec moi, vider ses glandes séminales. » On retrouve souvent, dans la vie quotidienne, des assertions comme celle-là, qui insinuent que ce que vise l'amour, finalement, c'est sa propre satisfaction, qui insinuent que la personne aimée n'est qu'un instrument à cet amour de soi, pas le terme. Seulement, nous n'avons dans cette vie quotidienne que des vues partielles, extrêmement contextualisées, ce qui nous dérobe à la considération générale de « tous » les amours. Car c'est de cela qu'il s'agit : existe-t-il un cas de figure possible où l'amour ne peut être soupçonné d'être intéressé par soi ? L'amour est une notion complexe, puisqu'il s'agit d'une sorte de penchant, d'attrait irrésistible, mais qui n'est pas nécessairement réductible à un désir, que ce soit un désir de possession ou un désir de désir, puisque l'amour comme charité p. ex. peut s'orienter vers le don, le pardon, comme actes accomplis, pas comme processus qui dans son accomplissement mettrait un terme au désir. La notion de soi est également multidimensionnelle : j'ai un corps, j'ai des propriétés psychiques particulières, j'ai des volontés, j'ai des souvenirs, et à toutes ces réalités je m'identifie, sans les être originairement. Mon ipséité déborde le simple fait d'être un soi, elle procède d'identifications multiples. Suis-je capable de m'abandonner à un autre sans que ces différentes identifications aient un rôle dans l'affaire ? Ma sensibilité est source de plaisir, et le plaisir, dans une optique utilitariste (de Hume à J.-S. Mill), est le terme fondamental de l'intérêt (d'où cette idée que l'utilité, c'est la maximisation du bonheur pour le maximum d'individus) : est-ce mon intérêt que je vise quand je crois m'abandonner à l'autre ? Est-il possible de se déprendre de soi ? Nous tenterons de nous frayer un chemin à travers ce problème de fond en nous questionnant tout d'abord sur le