Degré zero l'ecriture de roman
Roman et Histoire ont eu des rapports étroits dans le siècle même qui a vu leur plus grand essor. Leur lien profond, ce qui devrait permettre de comprendre à la fois Balzac et Michelet, c'est chez l'un et chez l'autre, la construction d'un univers autarcique, fabriquant lui-même ses dimensions et ses limites, et y disposant son Temps, son Espace, sa population, sa collection d'objets et ses mythes.
Cette sphéricité des grandes œuvres du xixe siècle s'est exprimée par les longs récitatifs du Roman et de l'Histoire, sortes de projections planes d'un monde courbe et lié, dont le roman-feuilleton, né alors, présente, dans ses volutes, une image dégradée. Et pourtant la narration n'est pas forcément une loi du genre. Toute une époque a pu concevoir des romans par lettres, par exemple; et toute une autre peut pratiquer une Histoire par analyses. Le Récit comme forme extensive à la fois au Roman et à l'Histoire, reste donc bien, en général, le choix ou l'expression d'un moment historique.
Retiré du français parlé, le passé simple, pierre d'angle du Récit, signale toujours un art; il fait partie d'un rituel des Belles-Lettres. Il n'est plus chargé d'exprimer un temps. Son rôle est de ramener la réalité à un point, et d'abstraire de la multiplicité des temps vécus et superposés un acte verbal pur, débarrassé des racines existentielles de l'expérience, et orienté vers une liaison logique avec d'autres actions, d'autres procès, un mouvement général du monde : il vise à maintenir une hiérarchie dans l'empire des faits. Par son passé simple, le verbe fait implicitement partie d'une chaîne causale, il participe à un ensemble d'actions solidaires et dirigées, il fonctionne comme le signe algébrique d'une intention; soutenant une équivoque entre temporalité et causalité, il appelle un déroulement, c'est-à-dire une intelligence du Récit. C'est pour cela qu'il est l'instrument idéal de toutes les constructions d'univers; il est le temps factice des