Desindustrialisation (notes)
Discuter des enjeux d’une politique industrielle européenne suppose, au préalable, de renoncer au mirage, entretenu par certains économistes [1], selon lequel nous serions sur le point d’assister à l’avènement d’une société post-industrielle dont l’essentiel des emplois seraient des services. L’assertion se veut rassurante puisqu’elle implique qu’à l’avenir la majorité de nos emplois ne seraient plus soumis au chantage de la délocalisation. Tout comme la révolution industrielle a vu un secteur secondaire reléguer à la marge le secteur agricole, une nouvelle révolution serait sur le point de permettre au tertiaire de supplanter le secteur industriel.
Or la frontière entre services et production industrielle est devenue très poreuse : de nombreux services sont tributaires de l’activité industrielle (maintenance, logistique, informatique, restauration, après-vente, assurance…). Ils viennent gonfler les statistiques comptables du tertiaire parce qu’ils sont externalisés par un nombre croissant d’entreprises, les exigences de rentabilité actionnariale immédiate impliquant d’extraire du périmètre d’activité de l’entreprise tout ce qui n’appartient pas à son « cœur de métier ». Cela ne signifie pas qu’ils engendrent des emplois autonomes qui ne disparaîtraient pas une fois l’activité industrielle délocalisée. Beaucoup de services, d’ailleurs, tendent à s’industrialiser – que l’on pense aux hôpitaux ou à la téléphonie, par exemple –, de sorte que l’imbrication entre industrie et services ne permet pas de considérer la première comme une sous-traitance manufacturière subalterne que nous pourrions abandonner négligemment aux pays « en voie de développement ». En outre, la demande de biens de consommation ne cesse pas d’augmenter dans la totalité des pays de l’Ocde (3 % par an, en moyenne, depuis 2000, soit un rythme supérieur à l’augmentation de la consommation globale). Elle n’indique aucun effet de substitution entre biens de