Disse
Tous ceux qui parlent des merveillesLeurs fables cachent des sanglotsEt les couleurs de leur oreilleToujours à des plaintes pareillesDonnent leurs larmes pour de l'eauLe peintre assis devant sa toileA-t-il jamais peint ce qu'il voitCe qu'il voit son histoire voileEt ses ténèbres sont étoilesComme chanter change la voixSes secrets partout qu'il exposeCe sont des oiseaux déguisésSon regard embellit les chosesEt les gens prennent pour des rosesLa douleur dont il est briséMa vie au loin mon étrangèreCe que je fus je l'ai quittéEt les teintes d'aimer changèrentComme roussit dans les fougèresLe songe d'une nuit d'étéAutomne automne long automneComme le cri du vitrierDe rue en rue et je chantonneUn air dont lentement s'étonneCelui qui ne sait plus prier
Louis Aragon
Le Chat - Poèmes épars (1945-1963)
Le feu : jolis poissons rouges, Endormait le char ferméSi, par mégarde je bouge,Le chat peut se transformer.Il ne faut jamais que cesseLe rouet des vieilles tours.Car se changer en princesseEst le moindre de ses tours.
Faire des poèmes la nuit Au lieu de dormir C'est faire la guerre à l'ennui C'est l'amour mon point de mire C'est le soleil de mon sommeil Que je veux éteindre à Pamyre Et brusquement au réveil Je comprendrai que j'ai dormi. Nous ne vécûmes qu'à demi Voilà l'effrayante merveille Que vivre nous a permis.
Immeubles votre bouche insulte le silenceLes foules perce-neige et les bustes de selLe bonnet phrygien au bout des fers de lanceLe système nerveux sous la peau d'un missel.
Jean Cocteau
Sur un Eventail
Si les ondines et les féesMaintenant ainsi qu’autrefoisSur une coquille de noixNaviguaient, de corail coiffées,Et si j’étais, - car nous aimonsSuivre parfois d’étranges rêves, -Un des minuscules démonsRois de la mer bleue et des grèves,Je ne voudrais d’autre travailQue d’agiter cet éventailPour faire une brise légèreQui pousserait tout doucementLe bateau vers un port charmantEt vous seriez la passagère.
Paul Arène