Dissert sur Elegie à Janet
LA SONATE A KREUTZER
DE L. N. TOLSTOI
Des trois nouvelles de Tolstoi explorant la question obsédante du couple, du désir et de l’impossibilité à le satisfaire, à savoir La Sonate à Kreutzer, Le Diable, et Le Bonheur conjugal1, la première reste sans conteste la plus complexe par sa structure et son développement narratifs. Du reste, le thème seul peut prêter à confusion : quelle obscurité révèle donc la confession d’un homme qui assassina sa femme par jalousie - celle de l’enfermement passionnel ? La perte de l’identité de soi et de l’autre dans la passion ? Mais de quelle passion s’agit-il vraiment ? Dans l’ouvrage d’études réunies La Folie et le Corps2, Michel Simonin, dans son article Aegritudo amoris et res literaria à la Renaissance : réflexions préliminaires, note que la passion amoureuse en tant que telle, identifiée comme «maladie d’amour », a été constatée par les médecins de l’Antiquité, et par eux décrite en détails dans nombreux ouvrages présentant quelques cas de malades d’amour et les remèdes requis, dont le plus satisfaisant, en plus des sorties en société et de l’écoute de la musique, s’avérait le coït. Ils définissent cette maladie d’amour comme une aliénation physique et morale du sujet à l’objet de sa passion qui, dans le cas de sa non satisfaction, pouvait entraîner le sujet à sa destruction physique. Ce qui, concrètement, a lieu dans Le Diable :
- Le sujet parvient à définir son mal et à le formuler : « Elle m’a pris et ne me lâche plus. Je croyais que j’étais libre, et je n’étais plus libre, je me mentais à moi-même quand je me suis marié. Tout était illusion, mensonge. A partir du moment où elle devint ma maîtresse, j’éprouvais un nouveau sentiment, le vrai sentiment d’un mari. Oui, j’aurais dû vivre avec elle. »3
- Le sujet, enfermé dans une passion vouée à rester insatisfaite, est poussé à l’ultime mesure : « Est-il possible de vivre ainsi ? Non. Il n’y a que deux solutions : la tuer