Dissert.
Françoise Dolto : une révolution avortée … Un choc Elles s’en souviennent encore, et sans doute sont-elles grands-mères aujourd’hui, de cette voix sur les ondes de France-Inter en ce milieu des années septante, qui, après les quelques notes de musique annonçant l’émission « Lorsque l’enfant paraît.. », répondait calmement aux lettres inquiètes des mères désarçonnées par les réactions de leurs enfants. Sachant l’opération délicate (et on verra plus loin qu’elle avait raison), Françoise Dolto avait longtemps hésité à s’engager dans ce qu’on n’appelait pas encore la « pipolisation » d’une radio à grande audience, mais le désir l’emporta : celui de transmettre les convictions acquises par quarante ans d’écoute de la souffrance des enfants et des familles, et par là, de les éviter aux autres, et donc de prévenir plutôt que de guérir. Elle ne mesurait pas encore l’onde de choc qu’elle allait provoquer. Mais qu’est-ce qui ébranla à ce point tous ceux qui, séance tenante, arrêtaient toute activité, à 14 heures précises, ou rangeaient leur voiture sur le bas-côté « pour écouter Françoise » ? C’est qu’elle ne parlait pas de dressage mais d’éducation et à travers elle d’humanisation. C’est qu’elle ne parlait pas « des enfants », mais de l’enfant. Celui-là, unique et singulier, qu’elle tentait de comprendre à travers ses comportements qui dérangeaient sa mère, faisaient « honte » à son père, gênaient l’entourage… Celui-là qui disait son malaise, son désarroi, sa solitude, avec les moyens du bord – des « caprices », des pleurs, des colères, des vomissements, des insomnies, des chutes scolaires, des pipis au lit – puisqu’il n’avait pas « les mots pour le dire ». C’est que, petit à petit, chez ces adultes qui l’écoutaient, remontaient des émotions enfouies, des souffrances ravalées, des colères désespérées, des émotions niées, des sentiments d’impuissance ou d’injustice jamais exprimés.