Dissert
Faute, peut-être, « d’y croire » assez, les stoïciens abandonnent, sitôt attaqués par l’ordre du monde ; mais peut-être ne saisissent-ils pas bien la puissance du désir, qui peut vraiment, à l’occasion, déplacer les montagnes (ou, en tous cas, creuser le canal de Suez). Nous désirons l’impossible ? Eh bien, paradoxalement, c’est justement pour cette raison que nous avons quelque espoir de changer l’ordre du monde : ce désir impossible nous confère une énergie incroyable, et ne nous voue pas à un échec inéluctable comme le redoutent, dans leur pessimisme, les stoïciens. Les prodigieuses réussites du progrès scientifique (par exemple, l’avion ou l’éradication de la variole) n’auraient jamais été possibles dans un esprit stoïcien.
On pouvait aussi remarquer que le stoïcisme bien manié peut constituer un moyen de défense efficace pour la classe dominante qui bénéficie de l’ordre social en place (bonus pour la copie qui l’a signalé). Loin, donc, de constituer une doctrine correcte du bonheur, elle s’apparente à une idéologie de la soumission très confortable pour le pouvoir en place.
Enfin, on pouvait noter que la dénaturation et la perte de sincérité qui s’ensuivent de la victoire sur nos désirs ne peut que nous conduire à un malheur bien amer, et à un sentiment de déchirement, voire d’aliénation, rigoureusement contraire au bonheur. Non seulement il est faux de prétendre que