Comme le proverbe « l’union fait la force » nous le prescrit, Kant va tenter l’établissement d’une forme d’union de tous les hommes, et même de tous les êtres raisonnables. Mais comment unir ces êtres si distincts les uns des autres ? Où leur trouver un point fondamentalement commun ? La réponse du philosophe allemand réside dans son système moral visant une universalité absolue dans sa nécessité, a priori dans sa conception. Emmanuel Kant vise donc à établir une morale valable pour tout être raisonnable, universelle. Son raisonnement complexe l’amène à concrétiser sa morale sous la forme d’une loi devant être suivie par tous les êtres raisonnables (loi dont il sera question plus tard, constituée de plusieurs principes se rejoignant sous la même idée du devoir). Or le geste fondamental de Kant qui le distingue des autres moralistes est celui de dire – et de prouver par son raisonnement – que cette loi n’est pas un commandement extérieur à l’homme qu’il est contraint de suivre, mais possède un fondement intérieur à l’homme, car c’est lui-même qui compose sa loi par sa volonté autonome, par sa transcendante liberté.
D’autre part, le système kantien affirme l’existence non pas d’un, mais de deux mondes : le monde sensible et le monde intelligible ; et l’homme en tant qu’être raisonnable, mais existant dans le concret se voit donc doté d’une double appartenance, ayant une place dans l’un comme dans l’autre. Cependant sa liberté fondamentale ainsi que la loi morale semblent appartenir exclusivement au monde intelligible – celui des choses en soi – alors que l’action morale que l’homme doit accomplir par devoir envers cette loi se voit contrainte au monde sensible.
Dès lors, une question se pose : comment l’homme peut-il concilier en lui ces deux mondes si différents ? L’universalité de la loi morale fondée dans l’intelligible peut-elle d’une manière ou d’une autre s’inscrire dans le monde sensible par les actions particulières d’un sujet raisonnable fondamentalement