Dissertation sur la poésie
I LA FORME PEUT PARFOIS FAIRE OBSTACLE À L’EXPRESSION PERSONNELLE, LA FREINER OU LA RÉFRÉNER
La liberté incarne la liberté de l’âme. En ce sens, chaque poète réinvente la poésie, et la tradition et les formes fixes que l’histoire littéraire a entérinées seraient autant de prisons.
1) La forme peut parfois devenir sclérosante. Après avoir connu une période faste grâce au génie des poètes de la Pléiade, le sonnet finit par s’épuiser au début du XVIIIe siècle et par sombrer dans l’oubli. Molière, à la fin du XVIIe siècle, dans sa pièce Le Misanthrope ironise déjà sur le ridicule de nombre de poètes sans inspiration, comme Oronte, qui s’essaie à écrire des sonnets. (scène 2, acte I). Il n’y a que Philinte pour s’exclamer : « Ah ! qu’en termes galants ces choses-là sont dites ! »
2) Certains poètes sacrifient l’expression personnelle, ie l’authenticité du lyrisme, aux impératifs formels. Ronsard apparaît bel et bien comme le Prince des poètes, mais on peut parfois s’interroger sur sa sincérité. Les sonnets dédiés à Hélène sont parfois plus des hommages rendus aux poètes de l’Antiquité, ou à la belle enlevée par Pâris, qu’à la jeune fille qu’il convoite.
3) La forme obstacle contre laquelle vient butter le sentiment. Voir la dernière strophe du poème de Corbière. Tout devient mathématique ou systématique et l’expression personnelle, derrière les « ô », en trouve plus de place. C’ est pourquoi un poète tel que Baudelaire a-t-il pu prôner l’éclatement de la poésie versifiée au profit d’une « prose poétique, musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s'adapter aux mouvements lyriques de l'âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience