Dissertation sur "les aventures de télémaque", fénelon
Personnage de l'Odyssée rendu célèbre par Fénelon, Mentor – transposition fictive de la figure tutélaire qu'a été Fénelon pour le Duc de Bourgogne –, est passé par antonomase dans le langage courant comme « personne servant de conseiller sage et expérimenté à quelqu'un ». Mais qui assimile encore aujourd'hui ce mot au préceptorat du Duc de Bourgogne, confié à l'auteur en 1689 ? Les multiples lectures d'un texte que Fénelon n'avait – de ses dires – jamais souhaité publié, l'ont inscrit dans une continuité de la réception au point de finalement l'arracher à son contexte immédiat d'écriture : l'éducation d'un prince, dont découlait une visée, une posture, et une dynamique textuelles. Pierre Barbéris radicalise cet arrachement en le postulant à la fois en diachronie et en synchronie : à propos des Aventures de Télémaque, il écrit : « Le texte n'est jamais et n'a jamais été directement en prise sur un réel en place et celui-ci ne pèse jamais sur lui. Par-delà d'immédiates leçons de morale à l'adresse d'un jeune Prince, il est évident que Fénelon rêve. » L'énoncé met en jeu deux plans du texte, celui du rêve et celui de la leçon de morale, entre lesquels il postule une coupure définitive. Au moyen d'une double négation, qui provoque une redondance avec un effet de variation aspectuelle (« n'est jamais »/ « n'a jamais été »), l'auteur entend non seulement relire à l'aune de cette coupure le texte dans son intégralité, mais il prétend également lui soumettre les modalités de sa réception, de 1695 à nos jours, pour jamais, dans une lecture se veut exclusive de toutes les autres. Dans la deuxième phrase, Barbéris explicite les termes en jeu, et établit entre les deux plans évoqués un rapport de hiérarchie. « Un réel en place » est ainsi repris par « d'immédiates leçons de morale à un jeune Prince ». Cette précision nous permet de limiter la définition du « réel en place » au contexte du préceptorat du Duc de Bourgogne,