Dissertations
Souffrance et haine ne sont pas seulement exprimées par une atteinte à l’intégrité du corps, mais aussi par des objets, signes de l’aliénation. Il s’agit soit d’accessoires dont le personnage peut se saisir, en prolongement de son corps, soit d’objets plus symboliques, parties intégrantes du décor, qui dépendent ou non du corps des personnages.
Des objets dédiés au spectacle
L’escabeau et la lunette de Clov ne devraient être que des accessoires, mais ils deviennent en réalité, en l’absence d’intrigue et de cohérence entre les répliques, de véritables supports de l’action.
L’escabeau est certes l’accessoire de Clov pour regarder par la fenêtre, mais son maniement et son installation donnent lieu à tout un ensemble de pitreries qui agrémentent le spectacle. Il en est de même pour l’utilisation de la lunette, ainsi que de la poudre « anti-puce » que Clov déverse vigoureusement dans son pantalon (p. 49). Monter sur l’escabeau, aller chercher la lunette, tuer la puce sont de ces micro-actions qui deviennent, dans l’absence d’intrigue de Fin de partie, des événements. Et la démesure de leur fonction d’événements, augmentée de la gestuelle hyperbolique à laquelle on imagine que leur maniement donne lieu, contribue au comique et divertit le spectateur.
La lunette occupe à cet égard une fonction particulière et indicielle. Remplaçant par l’intermédiaire de
Clov les yeux de Hamm, elle entre aussi dans le jeu du théâtre avec lui-même, puisque Clov la dirigeant vers la salle, et inversant ainsi la signification de la lunette de théâtre à l’aide de laquelle le spectateur observe le visage des acteurs sur la scène, affirme à Hamm voir « une foule en délire » (p. 43).
Ces objets actants* contribuent par conséquent à mettre en scène des personnages que l’absence d’intrigue pourraient rendre inactifs et sans mouvements : ils contribuent à exhiber en eux cette vie qui leur fait défaut, tout en inscrivant une théâtralité qui en dénonce