Dissertations
Pour que la vie en commun soit possible, il faut donc que chacun ait renoncé à agir « suivant le seul décret de sa pensée », c'est-à-dire selon ce qu'il croit être juste : il faut des lois communes, expressions de la souveraineté, qui s'appliquent à tous et auxquelles tous se soumettent.
• Seulement, soumettre ses actes à la loi, ce n'est pas abdiquer la possibilité d'en discuter le bien-fondé en soi-même (dans ce dialogue intérieur qu'est la pensée) ou avec autrui : pour prémunir la société de la guerre civile, il faut que les actes de chacun se conforment aux lois en cours ; mais cela n'interdit pas de discuter de la loi, et de proposer de l'amender si elle semble injuste. Simplement, tant que la loi n'aura pas été modifiée par le souverain, il faut lui obéir telle qu'elle est.
Ce que nous dit Spinoza, c'est donc qu'un État bien organisé maintient ensemble et la soumission des actions aux lois, et la liberté de pensée, de parole et d'expression, pourvu que les opinions de chacun s'imposent par la raison, et non par la force, puisque les lois d'un État bien constitué interdisent justement le recours à la force pour faire prévaloir son opinion (car ce serait le retour à la guerre civile).
2.
a) La loi telle qu'elle est m'interdit de faire ceci ou cela. Je peux tout à fait trouver cette interdiction stupide ou injuste, et je peux à bon droit exposer publiquement mon désaccord ; si par mes arguments j'arrive à convaincre assez de monde, il se peut d'ailleurs que la loi soit modifiée. Mais tant qu'elle ne l'est pas, je dois m'y soumettre.
En effet, si chacun n'accepte de faire que ce qu'il pense