Il faut distinguer deux formes de peintures surréalistes : celle qui laisse place à d’authentiques automatismes et qui conduit à des inventions dans la liberté du geste comme chez Miró ou André Masson pour citer les meilleurs : et celle qui n’est que la transcription appliquée dans un style souvent proche de celui de la Renaissance d’images insolites patiemment élaborées comme chez Dali ou Toyen pour citer les plus célèbres. Ni l’une ni l’autre ne correspondent au tempérament de Picasso : elles s’opposent à sa volonté de création consciente. Ce qui a pu entraîner une confusion, c’est la présence de certaines formes aux découpes apparemment arbitraires et assurément insolites et la mise en place de ces formes sans constituer cependant à proprement parler un retour à la perspective. Si la distribution des éléments d’un corps humain dans la peinture de Picasso nous apparaît parfois surréaliste, cela ne signifie pas que nous ne percevons pas les raisons de Picasso. Dans l’Acrobate de 1930, on voit très bien le parti plastique et la volonté d’inclure un corps dans un format carré. Mais les volumes découpés des Figures au bord de la merpeuvent être comparés à des poupées brisées dont les fragments auraient été rassemblés par un enfant fou ou un vieillard aveugle. Pourtant en y regardant bien et surtout sans préjugé, ces deux visages qui s’affrontent, langues tirées comme pour s’embrasser ou se mordre, ces jambes entrecroisées, cette paire de seins qui occupe le centre de la toile, tout y est pour nous donner non seulement le sens mais le sentiment de cette étreinte sauvage. Comme dans la Baigneuse jouant au ballon. Ces rencontres qui aboutissent à des effets concertés ne peuvent être fortuites et la parenté avec le Surréalisme est purement formelle, uniquement extérieure. Il en va de même avec la Femme assise au bord de la mer qui, avec son corps largement ouvert sur l’espace lointain, avec ses formes déchiquetées et agressives