« A quoi se réduit donc cette science mystérieuse de la politique & de la législation ? A mettre dans les lois & dans l'administration les vérités morales reléguées dans les livres des philosophes » ! Ainsi Robespierre haranguait-il les législateurs. Ce désir de fusionner droit et morale ne date pas de la révolution, mais y connut sans doute son apogée. Les rapports entre normes juridiques et morales sont loin de constituer une évidence. Entendons par droit le droit positif, système normatif doté d’une force exécutoire visant à réguler la vie sociale, et par morale un autre système normatif, basé sur des jugements de valeur, que la conscience s’impose à elle-même. La coexistence de ces deux systèmes dans la société implique une proximité entre eux, au point qu’il est parfois difficile de les différencier. Le droit aurait-il pour fonction d’assurer le respect des règles morales ? La règle de droit se réfèrerait-elle exclusivement à des principes moraux ? De la confrontation entre droit et morale jaillissent des éléments de définition du droit. C’est là tout l’enjeu de la réflexion. Malgré des convergences indéniables entre les deux systèmes (I), ils présentent des dissemblances fondamentales qui permettent de mettre à jour la spécificité du droit (II).
Des similitudes évidentes...
A] Une proximité de structure
- Règles requérant obéissance
- Processus de sanctions (pour la morale : exclusion du groupe social, mauvaise conscience)
- Possibilité d’étendre son domaine sur celui de l’autre (juridicisation de règles morales/ intégration des lois dans la conscience morale)
B] Une proximité de contenu
- Plusieurs règles en commun → impossible de savoir si l’on agit par acquit de conscience ou par peur de la sanction pénale. NB : juridicisation ne signifie pas durcissement, parfois le contraire (cf. Carbonnier).
- Importance des droits fondamentaux dits « inaliénables » que toutes les lois doivent respecter : ces droits ont un fondement moral