Eloge de la mouche
Eloge de la mouche (extrait), Lucien de Samosate
1. Lucien de Samosate (120 env.-apr. 180)
On ne connaît la vie de Lucien que par un petit nombre de renseignements contenu çà et là, dans ses écrits. D'humble famille, né à Samosate en Syrie, ce grand styliste de la langue attique parla d'abord syrien. Destiné tout jeune à un travail manuel chez son oncle, fabricant de statuettes, il s'enfuit de l'atelier, dès le premier jour de son apprentissage, châtié rudement pour une maladresse. La même nuit, nous dit-il, la Culture, apparue en rêve, le persuada de la suivre (Le Songe, Περὶ τοῦ ἐνυπνίου). Il apprit le grec et acheva son éducation dans les écoles de rhétorique d'Ionie ; vers sa vingtième année, le jeune Barbare était devenu un Grec cultivé (Double Accusation, Δὶς κατηγορούμενος). Il fut avocat à Antioche. Mais sa nature de fantaisiste, d'artiste, voire d'aventurier, s'accommodait mal, apparemment, de la vie du barreau. C'est vers l'an 150 qu'il se mit à voyager. En sophiste itinérant, il parcourut le monde romain, de l'Asie Mineure à la Gaule. Dans ce dernier pays, il obtint un poste de professeur de rhétorique très bien rémunéré (Apologie, Ἀπολογία). « Mais ces avantages ne le retinrent pas fort longtemps : il était trop grec désormais pour vivre longtemps loin de la Grèce » (M. Croiset). Vers l'an 160, Lucien s'établit à Athènes. C'est le grand tournant de sa vie. Abandonnant la sophistique et les tribunaux, devenu pamphlétaire, il se consacre au genre auquel il doit sa gloire : le dialogue satirique. Il y raille hommes et dieux, il se moque des rhéteurs à la mode, des philosophes et des charlatans ; ainsi assure-t-il sa célébrité, se faisant de plus en plus d'ennemis. Vers 165, Lucien, qui avait entre-temps effectué un voyage en Orient (162-165), se remet à voyager, de nouveau sophiste ambulant. Mais bientôt il capitule : celui qui naguère vilipendait les emplois stables et bien payés (Sur ceux qui se font