Esquisser d'un tableau historique des progrés de l'esprit humain
Nos espérances sur les destinées futures de l’espèce humaine peuvent se réduire à ces trois question : la destruction de l’inégalité entre les nations ; les progrès de l’égalité dans un même peuple : enfin le perfectionnement réel de l’homme. Toutes les nations doivent-elles se rapprocher un jour de l’état de civilisation où sont parvenus les peuples les plus éclairés, les plus libres, les plus affranchis de préjugés, les Français et les Anglo-américains ? Cette distance immense qui sépare ces peuples de la servitude des Indiens de la barbarie des peuplades africaines, de l’ignorance des sauvages, doit-elle peu à peu s’évanouir ? Y a-t-il sur le globe des contrées dont la nature ait condamné les habitants à ne jamais jouir de la liberté, à ne jamais exercer leur raison ? Cette différence de lumières, de moyens ou e richesses, observée jusqu’à présent chez tous les peuples civilisés entre les différentes classes qui composent chacun d’eux ; cette inégalité, que les premiers progrès de la société ont augmentée, et pour ainsi dire produite, tient-elle à la civilisation même, ou aux imperfections actuelles de l’art sociale ? Doit-elle continuellement s’affaiblir pour faire place à cette inégalité de fait, dernier but de l’art social, qui, diminuant même les effets de la différence naturelle des facultés, ne laisse plus subsister qu’une inégalité utile à l’intérêt de tous, parce qu’elle favorisera les progrès de la civilisation, de l’instruction et de l’industrie, sans entraîner ni dépendance, ni humiliation, ni misère ; en un mot, les hommes approcheront-ils de cet état où tous auront les lumières nécessaires pour se conduire d’après leur propre raison dans les affaires communes de la vie, et la maintenir exempte de préjugés, pour bien connaître leurs droits et les exercer d’après leur opinion et leur conscience ; où tous pourront, par le développement de leurs facultés, obtenir des moyens sûrs de