Ethique et poétique dans lolita de nabokov
Si le roman a suscité tant de polémiques, c’est que Nabokov a parfaitement réussi à brouiller les pistes. En donnant le pouvoir de la narration à Humbert, le pervers par excellence, il entraîne le lecteur dans un dédalle de pensées inavouables ; dans le même temps, l’histoire de Lolita est encadrée par deux passages méta-textuels, une préface au nom du docteur « John Ray Jr. » qui met en garde le lecteur contre les séduisantes subtilités du pédophile assassin, et une postface signée de l’auteur affirmant au contraire que le livre ne « trimballe aucune morale » (has no moral in tow) et vise une forme de « félicité esthétique » (aesthetic bliss). Pour pouvoir savourer la poétique de Lolita, il faut donc éviter les pièges tendus par le narrateur, qui cherche bien sûr à faire cautionner ses actes ignobles par le lecteur-jury, mais sans pour autant tomber dans une condamnation morale qui pousserait plutôt à refermer l’ouvrage. Voilà donc le défi singulier adressé au lecteur de Nabokov : pouvoir s’émanciper de son éthique personnelle au nom de la poétique du texte, et donc de