Examen expérimental
Le soir, tout abruti de sommeil, j’entendis mon père monter l’escalier. Il entre selon son habitude, se dirigea vers son matelas posé à même le sol. Ma mère prépara le souper, posa la table ronde, le plat de ragoût et le pain.
On sentait qu’elle boudait.
Mon père se mit à manger sans poser de questions. Ma mère boudait toujours. Puis elle éleva brusquement la voix et dit : -Cela ne te fait rien à toi, qu’on nous traîne dans la boue, qu’on nous insulte, qu’on insulte nos nobles origines, nos ancêtres qui faisaient trembler les tribus ! Cela ne te fait rien que les gens de basse extraction tentent de souiller, par des paroles inconvenantes, notre famille qui compte parmi ses morts des hommes courageux, des chefs, des saints et des savants !
Toujours silencieux, mon père continuait à manger. Ma mère recommença : -Oui, tout cela ne te fait rien. Que ta femme subisse tous les affronts, ton appétit n’en est pas affecté et tu manges comme à l’ordinaire. Moi, j’ai tellement de peine sur le cœur que je ne mangerai plus jamais de ma vie. Ma mère se cachant le visage dans ses mains, poussa un long sanglot et se mit à pleurer à chaudes larmes. Elle gémissait, se lamentait, se donnait de grandes claques sur les cuisses, chantait sur un air monotone et combien triste tous les malheurs qui l’avaient frappée. Elle énumérait les insultes qu’elle avait reçues, les épithètes dont on l’avait gratifiée,