Fable la fontaine
Je n'en veux pour témoin qu'Hercule et ses travaux. Ce dieu n'a guère de rivaux;
J'en vois peu dans la fable, encore moins dans l'Histoire.
En voici pourtant un, que de vieux talismans
Firent chercher fortune au pays des romans. Il voyageait de compagnie.
Son camarade et lui trouvèrent un poteau Ayant au haut cet écriteau:
« Seigneur aventurier, s'il te prend quelque envie
« De voir ce que n'a vu nul chevalier errant, « Tu n'as qu'à passer ce torrent;
« Puis, prenant dans tes bras un éléphant de pierre « Que tu verras couché par terre,
« Le porter d'une haleine, au sommet de ce mont
« Qui menace les cieux de son superbe front."
L'un des deux chevaliers saigna du nez. Si l'onde Est rapide autant que profonde,
Dit-il, et supposé qu'on la puisse passer,
Pourquoi de l'éléphant aller s'embarrasser? Quelle ridicule entreprise!
Le sage l'aura fait par tel art et de guise
Qu'on le pourra porter peut-être quatre pas:
Mais jusqu'au haut du mont! d'une haleine! il n'est pas
Au pouvoir d'un mortel; à moins que la figure
Ne soit d'un éléphant nain, pygmée, avorton, Propre à mettre au bout d'un bâton:
Auquel cas, où l'honneur d'une telle aventure?
On nous veut attraper dedans cette écriture;
Ce sera quelque énigme à tromper un enfant:
C'est pourquoi je vous laisse avec votre éléphant.»
Le raisonneur parti, l'aventureux se lance, Les yeux clos, à travers cette eau. Ni profondeur ni violence
Ne purent l'arrêter; et, selon l'écriteau,
Il vit son éléphant couché sur l'autre rive.
Il le prend, il l'emporte, au haut du mont arrive,
Rencontre une esplanade, et puis une cité.
Un cri par l'éléphant est aussitôt jeté: Le peuple aussitôt sort en armes.
Tout autre aventurier, au bruit de ces alarmes,
Aurait fui: celui-ci, loin de tourner le dos,
Veut vendre au moins sa vie,