Faut-il obéir aux lois
Nul n'est censé ignorer la loi, lit-on dans le Code. Tout un chacun, le citoyen comme l'étranger de passage, est supposé, par une fiction commode, connaître et respecter (car tel est bien le sens qu'il convient de donner à "ne pas ignorer") les normes impersonnelles et de portée générale que le législateur édicte afin d'organiser la Cité et, pour reprendre l'expression d'un auteur antique, "associer les intérêts des citoyens et les maintenir sous une même justice". Pour leur seule fonction d'organisation sociale, les lois vaudraient d'être respectées en ce qu'elles évitent la dissolution de la Cité que ne manquerait pas d'entraîner le mouvement incontrôlé des passions individuelles. Mais ce but élevé d'unité et d'ordre social, présent dès les origines, est loin d'expliquer à lui seul l'obéissance due aux lois. Qu'on leur attribue une origine sacrée ou qu'elles apparaissent fondées par la seule Raison, il semble qu'il y ait un devoir moral (inhérent à la condition de citoyen) d'obéir à des lois établies, en principe, pour le bien commun (I). Mais leur application effective ne saurait se concevoir sans l'existence d'une force publique (II).
En première analyse, l'autorité des lois semble découler logiquement de la légitimité de leur source.
Dans les temps archaïques, on a souvent attribué à la loi une origine divine. L'examen des différentes traditions (juives, grecques, romaines...) montre des législateurs comme Moïse ou Romulus se faisant les interprètes, au bénéfice de groupes humains plus ou moins récemment arrachés à l'état de nature, d'une volonté divine diversement manifestée. Le législateur apparaît dans ce contexte comme 1'artisan d'une Révélation qui le dépasse: il est paré de la légitimité absolue et à la hauteur de son inspiration correspond la sévérité des peines sanctionnant la violation de préceptes présentés comme sacrés (La Loi Mosaïque, développée dans le Lévitique, en constitue l'archétype). Cette conception