Faut-il renoncer à ses désir pour vivre heureux?
En quoi l'arrêt du désir pourrait-il contribuer à notre bonheur ? Si l'on considère le désir comme manque, c'est-à-dire comme la quête insatiable de ce que nous n'avons pas, il semble certain que nous sommes condamnés à rester insatisfaits ; d'une manière générale, on pourrait dire que si nous désirons être heureux, c'est que nous ne le sommes pas effectivement. Le désir serait donc ce qui éloigne du bonheur considéré comme un état de repos et de satisfaction. Cependant, cette conception nous invite à penser que l'homme peut renoncer au désir, qu'il peut refuser sa condition d'être désirant. Il faut donc que nous nous demandions si cela est possible et si, le cas échéant, le bonheur est compatible avec nos désirs eux-mêmes.
I - Aristote et le bonheur comme achèvement Dans son Éthique à Nicomaque, Aristote remarque que toutes les activités humaines tendent vers une fin ; ainsi, la stratégie consiste à remporter des victoires, la médecine à procurer la santé, etc. Dès lors, aucune activité ne vaut en soi, mais uniquement comme moyen pour atteindre une fin ou un but. Cependant, Aristote remarque que toutes les activités humaines restent ultimement ordonnées à une fin suprême : le bonheur.
De ce fait, le bonheur est défini comme une activité qui n'est pas un moyen pour autre chose, mais est une fin en soi. On est heureux, en somme, pour être heureux, alors qu'on a recours à la médecine pour se soigner. Le bonheur est donc caractérisé par son autonomie, son autarcie et son achèvement. Être heureux, c'est se suffire à soi-même et n'avoir besoin de rien.
Or, définir ainsi le bonheur par son achèvement - il ne lui manque rien - c'est marquer la distance qui le sépare du désir, qui est par essence manque et inachèvement. Aristote n'est pas dupe, qui nous dit que le bonheur est un état presque divin : alors que l'homme désire sans cesse, parce qu'il est fini et imparfait, Dieu est