Fiche L Atelier
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THÉÂTRE
: TEXTE ET REPRÉSENTATION
dépassionnée de certains aspects de l’âme humaine ». Pour d’autres, le désir de témoigner s’accompagne d’une volonté de revanche sur l’Histoire, et c’est alors la colère qui anime les phrases. C’est le cas pour
Martin Gray qui assimile l’écriture à un combat : « Je n’ai plus d’arme à la main, comme autrefois dans les maquis de Pologne, mais par moments, je sens en moi la même force qu’alors » (Au nom de tous les miens, 1971).
QUELS MOTS POUR DIRE L’HORREUR ?
Une autre question se pose : comment parler des camps ? Les mots de tous les jours se révèlent impuissants à dire l’inconcevable. Tous les auteurs en font le constat. Martin Gray commence son évocation des charniers de Treblinka par cet aveu d’impuissance : « Ici, il me faudrait une autre voix, d’autres mots. » Pour sa part, Jorge Semprun, dans
L’Écriture ou la Vie (1994), suggère que l’existence de camps d’extermination est tellement inimaginable qu’on ne peut se contenter de dire les choses telles qu’elles se sont passées, il faut avoir recours à l’artifice :
« Comment raconter une vérité peu crédible, comment susciter l’imagination de l’inimaginable, si ce n’est en élaborant, en travaillant la réalité, en la mettant en perspective ? Avec un peu d’artifice, donc ! » Les personnages de L’Atelier se heurtent à la même difficulté. À la scène 5,
Léon avoue : « Moi aussi je voulais lui [à Simone, qui croit encore au retour possible de son mari déporté] parler depuis longtemps mais…
[…] J’ai peur de mes mots, j’ai peur ! Je prépare une phrase gentille, pleine de bon sens et de compréhension humaine et c’est un truc dégueulasse qui sort… » (p. 84).
JEAN-CLAUDE GRUMBERG ET L’ATELIER
Jean-Claude Grumberg n’a pas été déporté, il n’a pas connu directement l’horreur des camps. Comme il le rappelle dans la dédicace initiale, c’est son père, tailleur, qui est mort en camp de concentration
(« nous