Forme urbaine: une notion exemplaire du point de vue de l’épistémologie des sciences sociales
Forme urbaine: une notion exemplaire du point de vue de l’épistémologie des sciences sociales
Dominique Raynaud1
Résumé. La notion de “forme urbaine” est employée régulièrement par les urbanistes, architectes, géographes et sociologues urbains. Elle présente un spectre de significations extrêmement large que l’article tente de circonscrire. Après avoir montré que la polysémie de la notion repose à la fois sur le laxisme terminologique de ces disciplines et sur la complexité même de la notion de forme (qui relève de trois familles étymologiques et sémantiques fort prolixes), il est proposé, non pas de régulariser l’usage de cette notion-piège, mais plutôt de préciser celui de concepts alternatifs (type urbain, tissu urbain, composition urbaine, modèle urbain, représentation urbaine, projet urbain, plan urbain) qui peuvent utilement se substituer à celui de forme urbaine. Mots-clefs. Interdisciplinarité, forme urbaine, définition, usages, polysémie.
Le terme « forme urbaine » a été introduit dans les années 1970, à la suite de l'étude typologique de Venise de Muratori (1959), et de l'étude typo-morphologique de Padoue conduite par Aymonino et al. (1970). Dès le départ ce terme fut perçu comme un mot ayant un « spectre de significations » assez large, mais dont on pouvait espérer que sa propre histoire lui donnerait un jour des repères plus précis. Rien de tel n'est advenu. La parution de l'ouvrage de Richot, Feltz et al. (1985) a suscité les mêmes doutes quant au contenu de cette notion. « On peut regretter l'absence de définition rigoureuse du concept de forme urbaine », écrit Coudroy de Lille (1988: 332). Ensuite, les deux articles du Dictionnaire de l'urbanisme, consacrés respectivement à la « forme urbaine » (Lévy) et à la « morphologie urbaine » (Merlin) ont déploré les mêmes incertitudes.