« Gouverner, c’est prévoir »
Introduction
Il faudra tout d’abord rappeler ce que signifie « gouverner ». Si, comme nous y invite l’étymologie (gubenare = diriger un navire), le gouvernement d’une cité ou d’une nation est comparable à celui d’un navire par son capitaine, deux remarques s’imposent. « Gouverner » ne peut signifier imposer autoritairement telle ou telle directive à un corps soumis (peuple ou navire) : tout au contraire, le capitaine doit prendre appui sur des forces existantes – les membres de son équipage – éventuellement antagonistes, pour leur imprimer unité et stabilité. La deuxième remarque concerne le jugement de valeur implicite d’une telle définition : on ne gouverne vraiment que si l’on gouverne… bien.
Mais que signifie « bien gouverner » ? Cette seconde question enveloppe une nouvelle difficulté : si le capitaine conduit le navire à bon port, qu’en est-il du bon chef d’Etat, du bon gouvernement ? Où doit-il conduire le navire ? Et qui décide de l’orientation correcte à donner à l’équipage ? On observe peut-être ici les limites de l’analogie. Car si les Princes, les grands hommes, doivent anticiper (« prévoir ») c’est-à-dire prendre les bonnes décisions en fonction de ce qu’ils entrevoient de l’avenir, ils ne peuvent, en conséquence, s’en remettre à chaque instant aux suffrages de la nation. « Prévoir » implique le jugement, et celui-ci doit être clairvoyant, voire extralucide. Or, si l’on en croit Hegel, « seul l’individu pense ». C’est donc toute la question de la bonne gestion des démocraties qui est ici à prendre en considération.
I. Gouverner, d’emblée, c’est prévoir
En effet : les hommes vivent en société, contrairement aux animaux. Or la vie en société n’est pas fondée sur l’instinct, mais sur l’intelligence. C’est ce qu’explique Aristote dans un texte bien connu de la Politique.
1. L’homme est un animal politique
Le propre de l’homme est l’aptitude à la réflexion. C’est la raison pour laquelle il est doué de langage