Hippolyte de euripide
L'Hippolyte de Racine se ressent trop du voisinage de la cour de Louis XIV; les aspérités de sa nature sauvage ont été soigneusement polies par notre civilisation: le poète français, n'osant déroger à l'usage de son temps, l'a fait amoureux ; et la délicate élégance avec laquelle s'exprime sa tendresse trahit un adepte de la galanterie du dix-septième siècle.
La Phèdre moderne et la Phèdre antique ne sont pas moins dissemblables : celle d'Euripide est en proie à une fureur adultère, incestueuse, envoyée par la vengeance de Vénus. Mais l'amour, chez les anciens, était un épanouissement de la vie sensuelle, beaucoup plus qu'une aspiration idéale de l'âme; il n'avait pas encore été épuré par l'alliance des sentiments moraux, par cette délicatesse du cœur, qu'a développée chez nous la vie domestique et le commerce des femmes. Aussi le poète grec décrit-il admirablement la langueur secrète qui la consume, l'abattement du corps, le délire des sens, et le trouble intime qui l'agite à la seule pensée de celui qu'elle aime : et toutefois il n'y en a pas moins une vérité profonde et un vif instinct de la passion, dans l'art merveilleux avec lequel elle laisse échapper un aveu si péniblement arraché. Les beautés que Racine a su tirer de son modèle suffiraient presque à la gloire d'Euripide. Celui-ci néanmoins a laissé Phèdre sur le second plan