HISTÓRIA
Préface de Jacques Le Rider.
Traduction de l'allemand (autrichien) par Alzir Hella.
UN HUMANISME COSMOPOLITE
Après le désastre de la Première Guerre mondiale, l'Europe va-t-elle à nouveau se transformer en champ de bataille et achever de se détruire elle-même ? C'est la question qui tourmente Stefan Zweig depuis 1933. Le 18 février 1934, la police perquisitionne sa maison de Salzbourg, sous le prétexte de rechercher les armes que le Republikanischer Schutzbund (organisation paramilitaire du parti social-démocrate) y aurait cachées. «Cet épisode en lui-même insignifiant me fit prendre conscience du sérieux de la situation en Autriche et de la pression irrésistible exercée par l'Allemagne», écrit Zweig à la fin du chapitre de ses mémoires intitulé «Incipit Hitler». Quelques jours plus tard, il quitte Salzbourg pour Londres. Depuis son dernier séjour à Vienne et à Salzbourg, il savait que l'Autriche était perdue, mais ajoute-t-il au même endroit, «je ne me mesurais pas encore de l'étendue de la perte que j'avais subie».
«Comment faire baisser cette fièvre constante, humaniser à nouveau l'atmosphère, purifier l'organisme empoisonné de haine ?», se demande Stefan Zweig au début de sa conférence de 1938 «L'histoire de demain», qui ouvre le recueil de ses Derniers messages. Comment se fait-il que, malgré le traumatisme de la Première Guerre mondiale, «la génération actuelle, celle de 14-18, qui est au pouvoir dans la plupart des pays,» n'ait pas perdu le «goût de la violence et de la haine, célèbre la force, idéalise la guerre ?»
Le tragique et l'histoire
Dans un texte de 1919 intitulé «La tragédie du manque de mémoire», Zweig déplorait déjà la tendance à l'oubli des horreurs de la guerre qui se manifestait un an à peine après l'armistice de 1918. À nouveau, écrivait-il, les peuples européens se préparaient à la guerre. À nouveau le nationalisme se faisait bruyamment entendre et Zweig ne pouvait plus y voir qu'un