Homere
Chante, déesse, la colère d’Achille, le fils de Pélée ; détestable colère, qui aux Achéens valut des souffrances sans nombre et jeta en pâture à Hadès tant d’âmes fières de héros, tandis que de ces héros mêmes elle faisait la proie des chiens et de tous les oiseaux du ciel – pour l’achèvement du dessein de Zeus. Pars du jour où une querelle tout d’abord divisa le fils d’Atrée, protecteur de son peuple, et le divin Achille.
Iliade, I, 1-7, trad. Paul Mazon*
Une épopée dramatique
Plus qu’un récit de la guerre de Troie, l’Iliade est l’histoire de la colère d’Achille, de sa rancune qui le maintient hors du combat jusqu’à ce que la mort de son compagnon Patrocle le jette à nouveau dans la guerre, par vengeance. Ce qui fait dire à Jacqueline de Romilly que « l’Iliade ressortit plus au genre dramatique qu’au genre épique » (Hector, Le Livre de poche, p. 44). L’histoire de Troie et de tous les héros de la guerre est contée par de nombreux autres écrits, et a fait l’objet d’une abondante représentation dans tous les domaines artistiques. Ainsi en connaît-on les principaux épisodes sans avoir lu l’Iliade. Homère prend la guerre dans sa dixième et dernière année, sans l’amener à son terme, la chute de Troie. Il décrit – sans prendre parti pour l’un ou l’autre camp – quelques journées de combat dans la plaine et devant les murs de la ville, l’affrontement entre Achille et Hector, qui en constitue l’apogée, et il clôt son récit par les funérailles d’Hector. L’intervention incessante des dieux dans le cours du combat, les relations étroites entre les Immortels et les héros imprègnent le récit homérique. La société des dieux ressemble à celle des hommes : ils discutent et se querellent, mais le dernier mot revient toujours à Zeus, le « père des dieux », comme à Agamemnon, « protecteur de son peuple ». La réalité historique de cette guerre, sa datation, la situation géographique de Troie, l’origine des peuples en présence,