Cet extrait d’Humain, trop humain de Nietzsche traite de la morale et plus précisément du mal. En posant un ensemble de normes et d’interdits, la morale prétend en effet définir des critères absolus du bien et du mal. Elle suppose que l’homme, parce qu’il est raisonnable et doté d’une volonté, est capable de ne pas céder comme l’animal à ses instincts naturels. Or, est-ce possible ? Le bien n’est-il pas qu’une manière pour l’homme de définir ce qui est utile à sa propre conservation ? Peut-on donc établir une réelle différence entre l’homme et la nature, entre la morale et l’instinct ? La réponse proposée est claire : « toute morale admet des actes intentionnellement nuisibles en cas de légitime défense, c'est-à-dire quand il s’agit de conservation ». Ainsi la morale ne rompt pas avec la nature mais s’inscrit au contraire dans le prolongement de celle-ci. Qu’est-ce qui vient justifier une telle thèse, qui semble rabaisser l’homme à un niveau purement animal ? Nous procéderons à l’explication du texte de manière linéaire. Dans une première partie (l.1 à Dès la première phrase, donc, Nietzsche pose le problème auquel ce texte va tenter de répondre. « Nous », les hommes, avons l’habitude de distinguer d’un côté les actions humaines et d’un autre côté les actions naturelles. Alors que nous ne qualifions pas ce que la nature fait de nuisible d’immoral, nous reprochons à l’homme ses mauvaises actions. L’immoralité est donc le sceau de l’humanité, alors que la nature est amorale. En effet, il serait absurde à reprocher à la nature son immoralité puisque ce serait supposer chez elle une volonté qui aurait pu l’empêcher de commettre ce mal. C’est ce que dit la phrase suivante. Nous ne prenons pas la nature à parti car les phénomènes naturels sont le produit d’une « nécessité ». Il règne dans la nature un déterminisme qui fait que chaque phénomène n’est jamais que l’effet nécessaire d’une cause précédente. Tous les phénomènes sont liés les uns aux autres selon les lois de la