Ibn abbad ou le destin d'un immense poète
Par Yassine MOUAHEB, le 28 mars 2009
En Arabie, on raconte souvent l’épopée d’un prince et d’une princesse qui s’aimaient éperdument. Un jour, de retour à son palais, le prince trouva sa bien-aimée triste et le visage défait. Cette dernière expliqua son malaise par la vision qu’elle avait le matin même, du haut de sa fenêtre donnant sur le sentier. Elle avait vu une jeune femme marchant pieds nus, avec des pas sûrs, dans la boue sous la pluie, habits déchirés et une jarre d’eau sur l’épaule. Le prince s’étonna de l’origine du malaise de sa princesse car il trouva le paysage anodin, courant et sans aucune exception.
Cette dernière précisa alors le caractère particulier du visage de la jeune femme. Beau visage, illuminé par le bonheur et coiffé d’un radieux et sublime sourire : « hormis sa misère, cette belle jeune femme était heureuse. Elle baignait de manière apparente dans le bonheur, alors que moi qui possède tout ce qu’une femme peut espérer, pouvoir, fortune, progéniture, j’envie son bonheur ».
Très sensible aux paroles de sa princesse, et touché par ses mots, le prince s’était décidé à réaliser le bonheur de sa femme.
Il envoya alors des émissaires parcourir la terre pour réunir misk, encens, parfums. Il fit suspendre dans le jardin du palais un ingénieux système de pulvérisation pour y faire couler les plus précieux des parfums. Dans les allées il fit malaxer des quantités d’encens, produits nobles et odorants pour constituer une boue artificielle. Il fit confectionner des habits en soie d’orient, déchirés volontairement pour ressembler à l’inconnue et infortunée jeune femme.
Epris de sa bien-aimée, il l’invita un jour à venir se vêtir de soie, à porter une jarre en or remplie de parfum et à marcher à son tour dans la boue d’encens spécialement conçue pour elle, sous une pluie de parfum.
La princesse surprise et heureuse se prêta immédiatement au jeu en essayant d’imiter de mémoire la démarche et