Inflation legeslative
Jacques Dufresne
Nous avons déjà rappelé que la France est la patrie de l'inflation législative. On peut même voir le phénomène de ses yeux à Paris, rue Soufflot, près du Boulevard St-Michel, là où se trouvent les principales librairies de droit. On y aperçoit partout de gros codes rouges empilés parfois jusqu'à former une collonne tronquée de la taille d'un baril de pétrole: codes du travail, de la construction, du transport, de l'assurance; des dizaines, des centaines peut-être d'ouvrages de mille pages et plus.
Il y a là évidemment bien des lois rendues nécessaires par le progrès technique, qui correspondent donc à des besoins nouveaux. Par exemple, il faut bien, par de nouvelles lois, faire en sorte que le droit puisse s'appliquer à l'informatique ou aux nouvelles techniques de reproduction.
Mais la multiplication des lois et règlements s'explique, pour l'essentiel, par d'autres facteurs. Mireille Delmas-Marty en distingue deux: le droit pénal magique, incantatoire et le droit pénal bureaucratique. Ces distinctions limitées ici au droit pénal ont une portée plus générale.
À propos du droit incantatoire, Jean Carbonnier écrit:
"À peine apercevons-nous le mal que nous exigeons le remède; et la loi est, en apparence, le remède instantané. Qu'un scandale éclate, qu'un accident survienne, qu'un inconvénient se découvre: la faute en est aux lacunes de la législation. Il n'y a qu'à faire une loi de plus. Et on la fait. Il faudrait beaucoup de courage à un gouvernement pour refuser cette satisfaction de papier à son opinion publique." [note: Jean Carbonnier, op.cit. p. 276.]
En mulitipliant ainsi les lois on leur enlève évidemment leur solennité et donc leur efficacité. On en eu la preuve au Québec. Depuis le début des années soixante chaque ronde de négociation dans le secteur public a donné lieu à des lois spéciales dont la plupart ont été inopérantes. Les peines, prévues à la hâte pour effrayer les grévistes, paraissaient déjà