Initiation a l'economie
Pierre-Noël Giraud
Chapitre 5. A quoi sert la finance? L’histoire de Zaccaria, négociant génois
Ce chapitre est une version modifiée d’un chapitre introductif de « Le commerce des Promesses. Petit Traité sur le Finance Moderne » P.N. Giraud, Seuil 2001. Son style de rédaction, volontairement « grand public », diffère donc de celui des autres chapitres de ce cours.
1. Le problème de Zaccaria
En 1298, un négociant génois, Benedetto Zaccaria1, identifie une affaire potentiellement très rentable. Il sait qu’un stock d’alun2 de 20 tonnes est à vendre à Aigues-Mortes et que l’alun est actuellement très demandé à Bruges, dans les Flandres, où l’industrie textile florissante en fait grande consommation. Pour simplifier et ne pas, à ce stade, imbriquer les questions monétaires et financières, supposons qu’une seule et même monnaie constituée de pièces d’or, les ducats, soit utilisée en Méditerranée et dans les Flandres. Zaccaria est propriétaire d’un seul bateau et dispose des informations suivantes. Il sait que 20 tonnes d’alun se vendaient couramment environ 2 000 ducats à Bruges ces derniers mois. Ayant approché le propriétaire du stock d’alun à Aigues-Mortes, il sait pouvoir l’acquérir pour 1 000 ducats. L’opération durera trois mois: deux mois de transport maritime, un mois pour ramener l’or de Bruges à Gênes, par la voie terrestre, beaucoup plus sûre. Se tenant informé, auprès des autres marchands génois, des fortunes de mer sur la route MéditerranéeFlandres, il évalue (évaluation nécessairement grossière) que l’effet conjugué des tempêtes et des pirates provoque une perte moyenne de 10 % des navires. De son côté, la route terrestre qu’empruntera l’or au retour ne présente un risque de perte (vol par des bandits de grand chemin) que de 5 %, toujours très approximativement. S’il parvient effectivement à vendre l’alun à Bruges pour 2 000 ducats, il est en mesure de calculer ses probabilités de pertes et de gains.