IV/XII LE SCEPTICISME ET LE DOUTE Comme je l’ai précédemment suggéré (et un peu à l’encontre de Carlos Lévy - Les scepticismes, p. 8 -) le doute, que l’on peut considérer comme fondateur de l’attitude sceptique, paraît être une faculté intellectuelle commune à la plupart des humains. Toutefois, pour douter de quelque chose, il faut bien préalablement que ce quelque chose existe. Par exemple, lorsque Hésiode nous dit que grâce à Eros, la terre (Gaïa) et le ciel (Ouranos) s’unirent afin de permettre le passage du chaos au cosmos, il ne nous transmet pas un savoir ou une connaissance. Il nous raconte seulement une histoire au sujet de laquelle on ne peut douter car Eros, Gaïa et Ouranos n’ont pas de réalité matérielle pouvant générer une appréciation rationnelle. Par contre lorsque, un peu plus tard, Thalès affirme que l’eau est l’origine des choses, il émet un avis susceptible d’être remis en cause par le doute d’un autre penseur. En effet, définir un principe générateur de tout ce qui existe revient à affirmer l’existence d’une cause matérielle qui, elle-même, est sans cause dans le sens ou elle ne peut être démontrée. Or, une affirmation qui ne repose pas sur une démonstration irréfragable peut être contredite par une autre affirmation de même nature. C’est ainsi que les présocratiques se sont retrouvés dans un profond désaccord (divergence d’avis) au sujet des principes générateurs de tous les étants. L’eau, chez Thalès, l’air, chez Anaximène, le feu, chez Héraclite etc. Toutes ces conceptions ont un point commun : elles sont indémontrables et, conséquemment, s’annulent les unes et les autres. A la suite du sophiste Protagoras (« Il fut, rappelons-le, le premier qui déclara que sur toute chose on pouvait faire deux discours exactement contraires » le sceptique Sextus Empiricus a bien relevé le caractère dogmatique de ces affirmations : « A tout argument sur lequel a porté ma recherche qui établit quelque chose dogmatiquement, il me paraît que s’oppose un