Intérêt philosophique du texte de freud extrait de malaise dans la civilisation
L’intérêt principal de ce propos tient donc essentiellement à la mesure dont il sait faire preuve : quand, aujourd’hui, tant de textes consacrés à la technique versent dans l’excès d’une condamnation radicale alors que, quelques décennies plus tôt, nous baignions encore dans un total angélisme, faisant des progrès de la machine l’horizon d’une humanité radieuse, la position de Freud semble sonner, avant l’heure, la fin de la polémique. Il ne s’agit ni d’encenser ni de conspuer la technique. Elle n’est ni l’instrument du bonheur ni celui de notre malédiction. Descartes voyait dans les applications des « notions générales touchant la physique » (Discours de la Méthode) le moyen de « nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature » (Idem), pour contribuer ainsi à notre confort au sein d’une nature que les anciens savaient hostile. Cet idéal, Freud ne le récuse pas : il le nuance. Il n’en dénonce pas l’absurdité, ne l’accuse pas de tous les péchés : il le repense. Pour sûr, les diverses techniques dont nous nous sommes pourvus peuvent être de formidables outils au service de notre bien-être. Mais le psychanalyste prend seulement soin de noter ce que Descartes lui aurait accordé sans la moindre difficulté ; à savoir que notre bonheur ne saurait se réduire à l’obtention du seul bien-être matériel. Il ne s’agit pas de confondre la fin (le bonheur) et les moyens d’y parvenir (le progrès technique apportant une relative aisance). Et s’il n’est pas plus question, pour Freud, de faire de ce « moyen » l’unique voix du bonheur, que de lui nier toute efficacité, on saisit une fois de plus le souci de justesse et de magnanimité qui anime ces quelques lignes, décidément bien éloignées de nos querelles