Près de onze millions de musulmans vivent aujourd'hui dans les principaux pays d'Europe occidentale, ce qui fait de l'islam la plus importante minorité religieuse de la région. La présence de l'islam est la conséquence des flux migratoires en provenance des anciens empires coloniaux1 d'Asie, d'Afrique et des Caraïbes qui se sont orientés de manière massive vers le continent européen au début de la décennie 1960. Avec l'arrêt officiel de l'immigration de travail en 1974, le processus d'enracinement de ces populations est devenu irréversible, lié à l'intensification des politiques de regroupement familial contribuant à recomposer et agrandir les familles à l'intérieur de l'espace européen. L'affirmation de l'appartenance islamique va alors constituer une dimension majeure de la sédentarisation. C'est donc autour de cette visibilité de l'islam que vont se cristalliser les interrogations, les doutes et les oppositions parfois violentes relatives à l'intégration de ces nouveaux venus dans les diverses collectivités nationales concernées.
Il est d'usage de rappeler que l'islam n'est pas étranger à l'Europe et que de l'Andalousie à la geste coloniale, les moments de rencontre n'ont pas manqué. Il faut pourtant insister sur le fait que l'incorporation de l'islam en terre d'Europe constitue un phénomène social inédit en raison du contexte sécularisé et démocratique au sein duquel se construisent les minorités musulmanes européennes. Or cette nouveauté est justement rendue imperceptible par un sentiment fallacieux de familiarité, si ce n'est de déjà vu, en raison de l'origine postcoloniale de cette migration.
L'islam en Europe présente en effet la particularité d'être une minorité postcoloniale. La présence des musulmans dans l'Europe occidentale est la conséquence des rapports de domination entretenus par les principaux pays européens avec l'Afrique ou le monde asiatique. Cette condition postcoloniale explique en partie la résistance et les hostilités engendrées par