Jean-jacques rousseau, les confessions et les confessions de venise de
Étienne Barilier, Université de Lausanne
Casanova prétend avoir rencontré Jean-Jacques Rousseau, mais cette affirmation constitue presque à coup sûr l’un des rares mensonges avérés de son Histoire de ma vie, qui en comporte étonnamment peu1. Ce qui est certain, cependant, c’est qu’il a rencontré les œuvres de Rousseau, et singulièrement les Confessions. Sa propre Histoire de ma Vie, qui a fait sa gloire, même si elle …afficher plus de contenu…
Et chez Casanova, qui raconte sur un ton plaisant comment il a fait accuser et punir son frère, la pleine et sereine inconscience, la parfaite innocence au cœur même de la faute.
Les choses, en fait, sont plus complexes. Du côté de
Rousseau, on sait que la revendication de culpabilité se double d’une revendication d’innocence aussi foncière qu’originelle.
Jean Starobinski a montré de quelle manière ce sentiment d’innocence première se manifeste lors d’une mésaventure qui précède celle du ruban de Marion, et dans laquelle Jean-
Jacques n’était pas coupable : celle du peigne de Mlle
Lambercier15. Le comble de conscience et d’auto-accusation dont Rousseau fait preuve lors de l’affaire du ruban de …afficher plus de contenu…
Le découvreur des mondes et le chantre des altérités, l’historien, le sociologue et l’ethnologue Rousseau trouvent leur aboutissement ultime dans le promeneur solitaire qu’a évoqué Jean Starobinski à la fin de
La transparence et l’obstacle : un individu torturé, coupé de tous les hommes, seul face au paysage, et dont l’ego s’est gonflé de douleur au point de se confondre avec l’horizon qui saigne.
Ce qui n’empêche pas Rousseau de tirer alors, de cette douleur lamentable et de cet aveuglement pathétique, les chants les plus beaux. D’un véritable délire égocentrique, nous dit Jean
Starobinski, l’écriture de Rousseau fait encore surgir de la beauté31. *
Ce regard de Jean Starobinski sur le dernier Rousseau marque les limites de la comparaison à laquelle je me suis