Julien gracq la route
Déroutante, cette route sur laquelle chemine le narrateur.
Deux parties séparées par trois étoiles composent ce fragment du roman entrepris vers 1953 de Julien Gracq et paru en 1970 dans la première partie du livre intitulé La presqu'île. Huit paragraphes composent la première partie et un seulement la deuxième partie de ce roman inachevé. En effet, Gracq avait commencé vers 1953 un roman dont il avait écrit environ les deux tiers; puis la rédaction s’était interrompue pour ne plus reprendre.
La lecture de La Route est celle du cavalier qui n'aboutit pas dans un temps suspendu sur "une route fossile" dans laquelle "les signes de l'incendie, du pillage et de la mort violente " ne manquent pas. Avec ce voyageur, le lecteur traverse un pays "dévasté par la guerre" où l'on rencontre "des épaves " "aux fenêtres arrachées", "aux pièces vides". La Route conduit dans un univers imaginaire où se mêlent des éléments historiques.
Dans ces "lieux touchés d'interdit", le narrateur va rencontrer "un dépôt humain très mélangé" et parfois des femmes, "les converses du long chemin" "-à moitié courtisanes, moitié sibylles-" sur lesquelles s'arrête brusquement le texte qui s'éloigne ainsi de la Route.
Le narrateur intra et homodiégétique se souvient d'une histoire vécue :" Ce fut, je me souviens bien" qui verra plusieurs échos: l'un à mi-chemin de la narration :"je me souviens qu'un soir" et un autre à la fin de la nouvelle: "je me souviens" . Une mémoire très vive "comme un roi de diamant sur une vitre". Et, plus que la mémoire, c'est la vision qui donne vie au souvenir.
Tout le long du texte, le voyage, dans l'amplitude des phrases, est interrompu par des parenthèses mises en évidence par des tirets qui suspendent le récit d'un seul mot à quatorze lignes. Cette phrase segmentée, au-delà de l'empreinte de la présence du narrateur omniscient, se fait signe de la difficulté de l'avancement comme une route à frayer. La ponctuation est sobre, de longues