Koltes
Horn établit la vérité en deux phrases qui viennent ruiner tout le discours de Cal: « Tout le monde t’a vu tirer« ; « Tout le monde t’a vu monter dans le camion« . La symétrie de la construction renforce la véracité de ces deux affirmations, fondées sur l’évidence de le présence des témoins, et dessinent le portrait d’un personnage violent, Cal, capable d’abattre un homme puis d’écraser ensuite son cadavre. Ce déchaînement se confirmera dans la dernière tirade de Cal, lorsqu’il évoquera ce qu’il a fait du corps, avant de le jeter à l’égout.
Le racisme de Cal est sensible dans sa tirade même: d’abord Koltès prend soin d’indiquer dans les didascalies « imitant l’accent nègre » (Cette imitation a pour but de ridiculiser les ouvriers noirs) d’autant que Cal les présente comme des marionnettes: « oui patron« , formule répétée 3 fois; « non patron« , une fois.
La haine du personnage est aussi manifeste du fait que tout acte de désobéissance est considéré comme une insulte personnelle: « Alors il me crache aux pieds et il part. Il m’a craché aux pieds et à deux centimètres c’était sur la chaussure« . Le reprise du verbe cracher au présent et au passé composé témoigne bien du fait que pour Cal il s’agit là d’un affront terrible. La paranoia du personnage se déclinera de fait dans la tirade sur les crachats à la scène 12,mais le crachat d’Alboury sur Léone manifestera la violence du geste lui-même. Tout le décalage vient ici de la localisation, si l’on peut dire: « aux pieds« , « à deux centimètres, c’était sur la chaussure« . A la scène 15, la violence sera effective, la didascalie précise: « Il crache au visage de Léone ».
Lorsque le spectateur apprend ce qui s’est passé, il comprend aussi que la situation ne peut qu’empirer: Horn est dans l’incapacité totale de restituer le corps de Nouofia, et Alboury n’est pas apparu comme susceptible de lâcher prise: le conflit semble inéluctable, d’autant que les deux blancs, Horn et Cal sont aussi