La beauté en théologie morale
Paul Adrien d'Hardemare
Mars 2011
La crise des fondements au cours du siècle dernier a eu pour conséquence une redéfinition de la rationalité, appréhendée non plus comme un processus hypothético-déductif (« fondationnalisme »), mais comme un processus modélico-observationnel (« herméneutique ») : proposer des modèles permettant d'interpréter un donné empirique, voila ce en quoi consiste la science moderne. La théologie se trouve particulièrement à l'aise dans cette science moderne, elle qui possède à la fois un donné empirique (la révélation) et différents modèles (les écoles philosophiques). De même que le donné empirique ne se réduit pas au modèle qui permet de l'interpréter, de même la révélation ne se réduit pas au système philosophique qui permet de l'interpréter. La tâche difficile mais nécessaire de la théologie est alors d'appliquer un modèle philosophique qui soit adapté à la révélation : sans modélisation, on ne peut l'interpréter, c'est-à-dire expliciter sa cohérence, la présenter de façon convenable, et dénouer les objections. C'est à une telle modélisation que nous voulons nous essayer dans le domaine restreint de la théologie morale. Ayant décrit et justifié la méthode herméneutique, nous en précisons les termes. En morale, ce donné empirique comporte (au moins) le salut, la grâce, le péché, l'incarnation et les commandements divins. De son côté, un modèle éthique comporte (au moins) les trois volets suivants : analyse et description des différentes normes (éthique normative), justification des valeurs impliquées par ces normes (méta-éthique), application de ces normes dans la réalité concrète (éthique pratique). Il manque encore à ce modèle un principe organisateur, une « philosophie ». Nous avons opté ici pour la notion de beauté avec l'idée maîtresse suivante : la beauté suscite l'amour. On peut donc appeler ce modèle éthique une « philocalie ». La philocalie, l'amour du beau, est au principe d'une