La bruyère, les caractères
Dans la préface, l'auteur explique le choix qui a été le sien d'écrire des fragments ou « remarques » :
« Ce ne sont point des maximes que j'aie voulu écrire, [...] l'usage veut qu'à la manière des oracles elles soient courtes et concises ; quelques-unes de ces remarques le sont, quelques autres sont plus étendues : on pense les choses d'une manière différente, et on les explique par un tour aussi tout différent. »
À la variété de la réalité humaine et sociale observée, répond donc la variété de la forme qui en rend compte2.
L'auteur affiche sa préférence pour les Anciens dans son livre, à commencer par l'épigraphe en latin d'Érasme. En effet, il dit traduire seulement du grec l'œuvre de Théophraste. En se plaçant ainsi directement et ouvertement dans la lignée de ce philosophe de l'Antiquité, il souligne sa fidélité à la tradition des philosophes moraux4. Mais en même temps, à la fin du Discours sur Théophraste, il revendique son originalité en parlant de « nouveaux Caractères5 » ; ce terme d’« originalité » doit se comprendre à la fois « comme retour aux origines et comme instauration d'une nouvelle origine », ainsi que le fait observer très justement Emmanuel Bury6. Ce recueil de caractères connaît un vif succès et Jean de La Bruyère de son vivant fait paraître huit éditions de son ouvrage, enrichies de nombreuses